La vie musicale à Reims au XVIIIeme siècle

De l’atelier de lutherie à la salle de concert 
Pierre Marc. Six sonattes à violon seul et basse continue. Reims, Archives municipales et communautaires, FA Carton 692, liasse 17

Jusqu'au 28 juin 2008

Entrée libre et gratuite.

la bibliothèque Carnegie présente une exposition inédite, principalement à partir de son fonds. Sur quels instruments jouaient les musiciens rémois du xviiie siècle ?
Quels concerts, quels spectacles, quels programmes étaient donnés à Reims à cette époque ? Quels étaient les compositeurs les plus appréciés ? À quel public ces manifestations musicales s’adressaient-elles ?
Voici quelques-unes des questions passionnantes et rarement explorées qui sont au cœur de cette exposition.
Cette exposition, la toute première en France sur le sujet, révèle ainsi un pan aujourd’hui méconnu de l’histoire de la vie musicale dans une ville de Province avant la Révolution : le fort développement de la musique profane à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle soutenue par les ateliers de lutherie de Reims et de la Champagne et enfin, la grande importance de la musique religieuse.

Implication de l’Université de Reims
L’exposition met en valeur des instruments du xviiie siècle prêtés par l’atelier de lutherie François-Joseph Pommet (Reims), des partitions, des manuscrits, des affiches originales conservées à la Bibliothèque Carnegie et dans d’autres centres de conservation, analysés par les étudiants de master en musicologie de l’Université de Reims.
Des enregistrements inédits d’œuvres données en concert à Reims ou de compositions écrites par des musiciens locaux, spécialement réalisées pour cette occasion par le département de Musique et Musicologie de l’Université de Reims de Reims, seront mis à la disposition du public. Un numéro spécial des Cahiers rémois de musicologie accompagne l’exposition. Il est vendu à l’accueil de la bibliothèque (14 €).
Commissariat : Florence Doé de Maindreville (maître de conférence en musicologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne) pour l’histoire de la musique sacrée et de la musique profane ; François-Joseph Pommet et Leïla Barbedette (atelier de lutherie François-Joseph Pommet à Reims) pour l’histoire de la lutherie champenoise.

Fort développement de la musique profane


À partir de la seconde moitié du siècle, la musique profane connaît un fort développement dans la ville, grâce à la fondation d’une Académie de musique (en 1749) et d’un Théâtre (en 1754).
Créée en 1749 par des notables rémois, l’Académie de musique se produit d’abord dans une salle de l’hôtel de ville, avant de gagner, en 1789, le Théâtre de la rue de Talleyrand. L’objectif est double :
développer la musique à Reims en proposant des concerts, favoriser l’éducation musicale de la bourgeoisie locale. Certains interprètes se produisent à Reims de manière éphémère. D’autres sont attachés à la ville pour une ou plusieurs saisons.
Le violoniste Pierre Marc apparaît comme l’un des piliers de l’institution : il assume pendant une vingtaine d’années un double rôle de premier violon et de compositeur. Pour la plupart, les compositeurs les plus joués sont des contemporains de nationalité française. Pour la partie sacrée, les maîtres locaux, Hardouin, Lasnier mais aussi Bigot et Delestre, sont à l’honneur. Pour l’opéra, trois personnalités dominent : Rameau jusque dans les années 1770, puis Rousseau et enfin Grétry qui occupe à lui seul plus d’un tiers des programmes après 1780. Le répertoire symphonique fait exception : on interprète essentiellement des auteurs germaniques (Haydn puis Pleyel). À noter : l’absence totale de Mozart.
L’importance croissante donnée à l’opéra comique et à la musique symphonique, le choix des compositeurs, sont représentatifs du goût français. Grétry jouit alors d’une vogue extraordinaire et Haydn est joué dans l’Europe entière. Les programmes de l’Académie de Reims s’inscrivent dans une esthétique générale tout en affirmant leur spécificité par les auteurs rémois joués.

Au lieu d’être circonscrite aux intérieurs domestiques, la musique se donne à entendre dans ces salles de spectacle où se pressent les auditeurs. C’est un véritable dynamisme qui caractérise Reims à la veille de la Révolution : les concerts proposés au public sont alors bien plus nombreux qu’aujourd’hui !

Les ateliers de lutherie installés à Reims et en Champagne participent de ce dynamisme.
Certes, sous l’Ancien Régime, la centralisation de la cour ne favorise pas le développement artistique en province : il y a donc peu de luthiers en dehors de la capitale. Les petites productions artisanales, la fragilité des matériaux et les techniques de restauration quasi inexistantes de l’époque ne laissent que de rares instruments à la postérité.

Pourtant, des documents d’archives inexploités dévoilent certains aspects de la vie quotidienne des luthiers champenois oubliés : les Salomon, implantés à Reims, mais aussi le rémois Nicolas Gosset (1715-v. 1790) ou encore le troyen Claude Aubert (1721-1794). Claude Aubert est le seul luthier répertorié à Troyes au milieu du XVIIIe siècle. Son atelier, situé au cœur de la ville, est le lieu d’une activité variée qui va de la vente de cordes à la fabrication d’instruments en passant par la réparation. Ses instruments, peu connus aujourd’hui, sont de belle facture, rappelant les plus beaux « Vieux Paris». Aubert a également formé deux ouvriers qui ont repris sa boutique à la fin du siècle.
Nicolas Gosset exerce à Reims dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Aujourd’hui, témoignent de son activité des violoncelles et des écrits sur ses inventions concernant différents instruments de musique. Les Affiches de Reims décrivent un clavecin perpendiculaire, et dans un rapport déposé à l’Académie des Sciences, Gosset fait état de ses recherches relatives à une nouvelle manière de fretter les manches. Il a pour cela travaillé en collaboration avec son ami Jaques Turpin, organiste de la cathédrale.
Lutherie, ouvrages et outils, dans Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 22, pl. XVIII, Paris : Briasson, 1751-1780.
Reims, BM, Rés. GG 99
Lutherie, ouvrages et outils, dans Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. 22, pl. XVIII, Paris : Briasson, 1751-1780.
Reims, BM, Rés. GG 99

À Reims, la famille Deshay dit Salomon est un bel exemple de transmission familiale d’un savoir-faire : le père, Antoine Deshay, est admis à la maîtrise des joueurs d’instruments en 1711 et forme trois de ses fils. Jean-Baptiste arrivera à la plus haute fonction de la corporation des luthiers de Paris en 1760. Il est un des maîtres et initiateur de l’École des « Vieux Paris », et reconnu aujourd’hui comme l’un des plus grands luthiers français de son époque.

Grande importance de la musique religieuse

Henri Hardouin. Reims, BM, 39-251.

À Reims, la musique religieuse a toujours revêtu une grande importance, notamment grâce au dynamisme de la maîtrise de la cathédrale.
Henri Hardouin, maître de musique entre 1748 et 1801, est le personnage central de cette institution.
Il se rend célèbre par ses nombreuses compositions religieuses, dont les manuscrits sont aujourd’hui conservés à la bibliothèque.

Bibliothèque Carnegie
2 place Carnegie,
51100 Reims
Tél. : 03-26-77-81-41
Horaires d’ouverture
Mardi, mercredi, vendredi : 10h-13h ; 14h-19h
Jeudi : 14h-18h
Samedi : 10h-13h ; 14h-19h