Agé, vous avez dit âgé ?

Et si demain LUI.... C'était VOUS...

Sur le trottoir, s'appuyant sur sa canne, Marcel, sous les premiers rayons du soleil, le dos courbé par le poids des années, regarde la vie, à petits pas. Il sait que pour aller de l'autre côté de la rue, même s'il traverse dans les passages cloutés, cela relève de l'exploit ; C'est que les autres dans leurs bolides, sont toujours pressés..

Puis il pousse la porte du café, ici il est "connu", enfin ceux qui le salut, croient le connaître. Derrière un ballon de rouge, tout en jouant aux cartes, il égrène le temps, son oeil s'allume, ses lèvres sourient à la vue d'un couple d'amoureux, aux bouches qui se heurtent et aux regards qui se mélangent ; Marcel a bien connu ce temps et dans son cœur il est toujours présent...

Ensuite il s'en va faire quelques courses, à son âge, quand les dents vous ont laissé tomber, un rien vous suffit, et il n'est pas bien riche Marcel, une fois qu'il a tout payé. Derrière lui à la caisse, ses oreilles le protègent des soupirs, des réflexions, dus à ses doigts tremblants, enfouis dans le morceau de cuir, qui ont bien dû mal à sortir la monnaie.

Dans l'escalier qui le conduit à son deux pièces, les " p'tits jeunes" du dessous, ne manquent pas de lui crier
- Faudrait baisser votre télé, Monsieur
Mais ils oublient que le samedi c'est leur chaîne qu'il entend hurler. Sur le buffet aux portes vitrées, où Marcel pose souvent ses yeux, quelques photographies ; Celle de sa fille, mais aussi celle de sa femme, qui est partie pour ce pays, où le billet est toujours gratuit, mais ne comporte qu'un aller...

Dans son fauteuil, il regarde d'un oeil distrait, la misère du monde jaillissant de l'écran, et lentement ses paupières s'alourdissent.

Sa fille, elle vient de temps en temps, toujours en coup de vent, elle habite loin, elle n'a pas le temps ; entre les enfants, le mari, la maison et son travail, il n'y a pas beaucoup de place pour Marcel... Pourtant, à Noël, Pâques, elle vient avec les gamins, ces derniers répètent mot à mot la leçon apprise par cœur juste avant le départ. Ils embrassent "leur Papi" tout en lui tendant un paquet de tabac, un bouquet de fleurs, et Marcel attendri, sort de sa poche la pièce argentée, ou donne les chocolats, et il les reverra peut-être.... A la prochaine fête...

Dans ces grands immeubles, où tous se croisent aux coins des boîtes aux lettres, bien peu se connaissent. Pourtant, il suffirait d'un sourire, d'un mot pour que le béton respire la vie.

Marcel se dit qu'il a de la chance, il est encore chez lui, et si il n'a pas l'air malheureux, est-il vraiment heureux?

Il en existe sûrement Un, dans votre quartier, dans votre HLM, parfois il habite sur le même palier ce " P'tit Vieux, ce Marcel"..

Oui, si vous les voisins, une fois de temps à autre, vous vous arrêtiez quelques instants, vous lui parliez un moment, allez, osez... Leur solitude c'est un peu l'affaire de tous ...

Et puis, demain, vous aussi, vous serez Vieux..

D.DUMON

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